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13 août 2015 4 13 /08 /août /2015 08:54
Putain d'ras l'bol!Le Mexique peut-il changer?

Hasta la Maddre ! Quand Javier Sicilia a poussé ce cri, après l’assassinat de son fils de 20 ans en Avril 2011, j’ai cru qu’il serait l’homme providentiel. Il avait les mots pour le dire. Depuis Cuernavaca il a sillonné le Mexique, puis les Etats Unis, à la rencontre des familles de victimes, suivi par une foule. Dans un climat de pacifisme inspiré de Gandhi. Il a serré des mères et des pères dans ses bras. Réclamant la Paix dans la Justice et Dignité. Pendant les deux ans qu’ont duré ces caravanes de la consolation, a été mis à jour le nombre de victimes : 65 000 morts. Notamment féminicides. Sans compter 25 000 disparus, et les milliers de déplacés de force.

Ce chiffre faramineux a ému : au Mexique comme à l’étranger où se sont levés des mouvements de solidarté, de Tokyo à Londres, dans tous les pays d’Europe, des cellules mexicaines manifestaient.

Mais les intellectuels mexicains n’ont pas vraiment suivi Javier Siicilia. Ses gestes de pacifisme choquaient. Eux qui restaient dans leur bureau, regardant froidement ce père charismatique, se moquaient. Ils ont eu bien tort. Une loi générale des Victimes a été votée. Venant normalement en aide aux familles. Mais elle n’est pas appliquée faute d’argent et en raison des toujours épuisantes démarches. Certains pères du Mouvement ayant réclamé haut et fort et signalé des responsables parmi la police, ont été assassinés.

A l’époque cette violence était attribuée à la lutte militaire du président Calderon contre les narcos.. Sous l’impulsion des Etats Unis voisins qui avaient très envie de venir davantage piller les ressources naturelles du pays en toute tranquillité. Les narcos jusque-là peinards dans leur business se rebellaient. Entre l'armée et eux beaucoup de balles atteignaient de simples citoyens.

Le changement de présidence et le retour du Parti Révolutionnaire Institutionnel PRI , après un unique sexenat plus à droite du PAN (Parti d’Action Nationale) non seulement n’a rien changé mais a décuplé la violence et l’a étendue à des couches de population jusque-là plus ou moins respectées : Les étudiants, activistes, journalistes. Et au lieu de rester dans les campagnes, elle s’est davantage implantée dans les capitales.

En Septembre 2014 tombaient les normaliens ruraux de l’école mythique d’Ayotzinapa –qui avait formé Lucio Cabanas fondateur du Parti des Pauvres pourchassé par 2000 soldats fédéraux et assassiné en 74. Ils s’apprêtaient à venir fêter dans la capitale l’anniversaire du Massacre de Tlatelolco en Octobre 68 où des corps spéciaux de l’armée avait assassiné sur la place du même nom plus d’une centaine d’étudiants et de badauds pacifiques. Ils ont selon leur coutume sollicité des autobus à Iguala. On leur a tiré dessus, 6 sont morts, 1 est toujours dans le coma et 43 ont littéralement disparu. Avec complicité de la police et de l’armée, présente dans les rues ce soir-là.

Les normaliens rescapés et les parents ont lancé des manifestations, tous les mois. Des caravanes. Ont porté l’information et la nécessité de la lutte unie, en Europe et en Amérique du Sud. Ils ont rencontré et soulevé les mêmes mouvements d’indignation que Javier Sicilia. Mais décuplée. 43 jeunes en pleine force de l’âge, représentant les futurs professeurs, souvent bilingues, ne peuvent pas être massacrés ainsi.

Le soulèvement de ces dignes parents perdure.

Refusant l’argent du gouvernement pour se taire, (1M Pesos par famille) après être venus jusqu’à Genève au Siège des Nations Unies, ils annoncent une grève de la faim du 26 août prochain au 26 septembre, date anniversaire de la disparition de leurs fils. Ils appellent à l’organisation de toues les couches de la société pour changer la situation de violence inégalée dans un pays dit démocratique.

Et voilà que la violence de manière emblématique atteint la Capitale le DF (district Fédéral) Mexico :

Un journaliste exilé de Veracruz après menaces, une activiste étudiante, une jeune femme étrangère, une jeune fille, et une femme de ménage, ont été assassinés dans un même appartement de la capitale avec une mise en scène torture, lacération, coup de grâce d’une arme avec silencieux utilisée pour la première fois. Et que l’enquête laissant filtrer des informations à une certaine presse, tente de négliger tous les aspects politiques pour faire croire à un vol (peut-être partie du maquillage !).

Cette fois, intellectuels, journalistes, classes moyennes, associations étrangères, sont sur le pied de guerre. Le Gouverneur de Veracruz d’où avait fui l’activiste et le journaliste et qui compte pas moins de 15 assassinats de journalistes sous sa mandature, est sur la sellette. L’ONU débarque à Veracruz pour enquêter.

Des manifestations ont déjà eu lieu dans le pays et d’autres s’annoncent pour le 16 août. Ce n’est qu’un début.

L’exaspération est à son comble ! Le Président de la République, en vacances, n’a pas un mot pour ce nouveau multi homicide. Il attend comme beaucoup qu’on referme le dossier. Gênant l’image d’un Mexique attractif et tranquille pour les investisseurs étrangers. Le peso dévaluant, il parle sérieusement de vendre les Iles Mujeres du Yucatan aux américains. Les services publics après le Pétroles seront cédés à la privatisation et tout le formidable travail public de Lazaro Cardenas anéanti.

Les Mexicains de tous âges, (enfants enlevés), condition, les migrants tués pour trafic d’organes, (dénonciation du prêtre des Migrants l’inlassable Solalinde, qui dénonce cette semaine les extorsions sur les migrants cubains depuis le Service d’Immigration de Mexico), les paysans qui doivent défendre leur terre contre les réquisitions pour autoroute, mines, déforestation, et à qui on enlève leurs leaders pour les mettre en prison (le cas de Michoacan avec la création d'autodéfenses contre les exactions des cartesl) où des « bavures » de l’armée tuent des enfants. L’assassinat systématique des Défenseurs des droits (environnementaux beaucoup) et mais aussi étudiants, bref tous ceux qui en savent trop et approchent de trop près une vérité qui menacerait des politiques sont enlevés et assassinés. C’est le cas cette semaine de Miguel Angel Jimenez guide des recherches des normaliens et a qui la police et l’armée ont interdit de chercher dans certains puits d’Apipilulco près de la décharge de Cocula (Guerrero) où il risquait bien de retrouver les restes des normaliens.

Tous ce mouvements n’ayant changé que certaines bonnes intentions dont l’enfer est pavé (on parle d’une Loi sur les Disparus en cours), ne parviennent pourtant pas à changer la situation mexicaine, ni le climat de peur qui en découle.

Edgar Bussaglia expert en Violence dit qu’il manque un leader ship, une gouvernance à cette levée citoyenne fragmentée. Dans le sens du ras l’bol des candidats indépendants se sont présentés aux dernières élections. Très vite comme El Bronco au Nuevo Leon, (qui a lui aussi perdu un fils) ils sont rattrapés par le jeu politique et maladroitement (ou volontairement ?) stigmatisés par ceux qui, pourtant en accord théorique, pourraient devenir leurs adversaires dans des élections à plus haut niveau.

Leur charisme attire aussi les vieux loups des gouvernements précédents avides de manœuvrer de nouveaux pions.

Les experts ne sont pas les seuls à vouloir de l’organisation. Sicilia le disait déjà. Prônant un modèle zapatiste. Les parents d’Ayotzinapa, qui ne font pas partie de « l’élite intellectuelle éduquée et indépendante » mais à mon sens d’une élite bien plus percutante pour les avoir vu et entendus à Genève, appellent aussi à l’Organisation et la fédération des luttes.

Morena Mouvement de Rénovation Nationale, autour du 2 fois perdant des élections présidentielles (pour fraude certaine la première fois) et qui avait plantonné pendant des mois avec 1Million de sympathisants sur le Zocalo (place centrale) de Mexico en 2006, appelle ausssi à s’organiser. Un de ses plus ardents apôtre le brillant Taïbo II, va d’université en centres culturels pour le clamer.

Néanmoins ces mouvements qui se retrouvent occasionnellement dans les manifestations ne vont pas au-delà. Une fois rangées les bannières et les militants chez eux, l’union se dilue à nouveau.

Aussi face à cette division salutaire pour lui, le gouvernement ne craint-il rien. Pourquoi changerait-il les choses, forçant l’armée à rester à sa place, contrôlant la police à la protection des citoyens et non à une plus grande terreur. 87% des jeunes mexicains en ont peur. Pourquoi pénaliser la corruption que le Président lui-même assimile à « la culture » du pays ?

Vu de l’extérieur comme de l’intérieur la situation du Mexique est gravissime. Les intellectuels contestent la notion de génocide, mais comment appeler l’assassinat de centaines de milliers de personnes pour des raisons en général de pouvoir économique. Les députés payés plus qu’un président français, les gouverneurs aux multiples villas dont aux Etats Unis (on ne sait jamais, après leur mandat!) les narcos n’obéissant qu’à une loi économique (analyse dès 2011 de Javier Sicilia) ponctionnant à tous les niveaux (droit d’exercer, d’ouvrir des magasins, d’enseigner….) à tel point que les firmes étrangères ont des budgets prévus pour ça quand elles exploitent le Mexique.

D’où viendra la solution ? Dans un pays de 120 millions d’habitants très étendu avec de telles disparités, du nord fataliste au sud militant. En tout cas elle paraît urgentissime car un pays dominé par la peur ne mène à rien de bon.

Les Eglises pour la Paix (Iglesias por la Paz) présentes sur le terrain et toujours aux manifestations, lancent le slogan « Si tu veux la Paix, travaille à la Justice ». Et c’est là le point crucial. Sans Justice –enquêtes véritables, jugement des vrais coupables, punition de tous les coupables et non d’un bouc émissaire- grassement payé pour ça-le Mexique ne pourra que s’enfoncer toujours plus dans la violence. Le peuple souffrira toujours davantage des disparités économiques et les parents indéfiniment chercheront leurs enfants, ou les enfants leurs parents.

Réveille-toi, Mexique ! lit-on dans toutes les manifestations. Réveille-toi, mais surtout ne te laisse pas distraire, morceler, diviser. Et agis.

Photo PluieMexicaine

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