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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 06:17

 

 

 

mexbest (243)

 

    Elena Poniatowska

    Jornada

    Vendredi 6 mai 2011

 

LE 8 MAI

 

Nous sommes nombreux à attendre la marche du 8 mai, nombreux pour qui ce jour du 8 mai représente une espérance, nombreux qui aimerions cheminer aux côtés de Javier Sicilia. Lui le survivant, lui qui sait que «nos morts alimentent les œuvres des hommes».

Nous sommes nombreux à croire fermement que nos morts, les jeunes exécutés à chaque carrefour de Morelos, de Chihuahua, de Guerrero,de Sonora, du Distrito Féderal,de Sinaloa, de Nuevo Leon, ce sont eux qui nous poussent à nous mettre en marche. D’Hermosillo ce sont les enfants brûlés et leurs parents qui poussent leurs carrioles vides.

Le Mexique vit une grande calamité, le Mexique vit au bord du précipice, les mexicains vivent abusés, menacés, outragés, ensevelis par «une guerre hypocrite et stupide» comme la qualifie Jaime Avilès, enterrés sous 18 Millions d’armes.

Pendant le tremblement de terre de 1985, la société, les mexicains de la rue, ceux de tous les jours prirent le commandement. Lorsque le régent Ramon Aguire arriva les yeux exorbités sur les lieux du sinistre, des volontaires avaient déjà sorti la quincaillerie et dégagé des décombres enfants, hommes, femmes et vieillards. Seuls, les mexicains avaient décidé de retrouver leurs compagnons, leurs amis, leurs voisins, ceux qu’ils connaissaient et ceux qu’ils ne connaissaient pas.

Les dames du marché avaient fermé boutique et arrivaient vers les édifices tombés avec de grandes marmites de riz sur leur tête : «Viens mon fils, viens manger». Malgré l’horreur c'était un spectacle bouleversant. Parmi les volontaires j’en ai connu un, Gustavo Esteva, dont j’ai admiré les capacités d’organisation. Ses ordres étaient clairs, nous le consultions tous. Lui savait quoi faire et comment. La souffrance vrillait chaque pore, chaque décombre, mais voir agir ces volontaires était une leçon de vie.

Ensuite le premier ministre Miguel de la Madrid ordonna le retour à la normalité. En décembre, quatre mois après, alors que beaucoup de gens dormaient encore dans la rue, je demandais à Gustavo Esteva pourquoi tous les lieux sinistrés étaient gardés par l’armée. «Parce que le gouvernement n’apprécie pas que nous nous organisions», répondit-il.

Maintenant après la tragédie que Javier Sicilien su changer en combat comme en son temps fit Rosario Ibario de Piedra, nous avons une occasion nouvelle. «l’Imagination au pouvoir» disaient les jeunes de 68 et aussi «sous les pavés la plage». Et nous nous sommes une mer, non d’eau salée mais de créativité, une créativité qu'on nous a étouffé. Une mer de solutions personnelles et si on nous en donne l’occasion nous saurons agir, non seulement comme en 1985, mais aujourd’hui où nous vivons en état de guerre.

Nous sommes une mer d’amour beau et grand comme écrivait Rosario Castellanos. Puissions nous nous unir, nous régénérer, nous responsabiliser désormais. Que l’écho des voix jusque-là silencieuses éclate comme des feux d’artifice, celle des enfants maltraités, celle des indigènes, celle de Durito, celle des femmes, des condamnés, des victimes de cette «guerre contre le crime organisé».

Puissions nous nous redire, encore, que désormais nous pouvons vivre les uns avec les autres.

Que cette atmosphère d’espérance produite par un seul appel à la marche, nous fasse répondre en grand à la proposition de Rius il y a quelques mois : Plus de Sang! Et maintenant à celle de Sicilia qui, au lieu de s’enfermer dans sa douleur donne la plus grande preuve de civilité : celle de la consacrer aux autres.

Traduction www.pluiemecicaine.over-blog.com

 

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