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25 octobre 2014 6 25 /10 /octobre /2014 18:45

 

La jeune équipe des Editions CMDE dans sa collection A L’ombre du Maguey a élaboré un ouvrage d’une exigeante qualité, à la mesure de cette œuvre fondamentale pour la mémoire du Mexique. Sous-titré Histoire orale d’un massacre d’Etat, le livre est en deux parties : Gagner la Rue, et La nuit de Tlatelolco, suivie d’une chronologie. Il est souligné de photos d’époque et de slogans très heureusement maintenus en espagnol) en blanc sur des pages noires. Car il s’agit d’un livre grave à la mesure de la gravité de ces événements balayés par le pouvoir pour les Jeux Olympiques de 68 et quasiment inconnus du monde entier. Seul Le Guardian à l’époque a nombré 300 morts. Des étudiants mais aussi des habitants de La place des 3 Cultures chez qui l’armée et des groupes de chocs en civil sont venus chercher des blessés venus se réfugier. Ou dans les appartements de qui on a tiré, depuis le toit d’une église fermée sciemment aux manifestants.

Une manifestation (précédée par trois mois de soulèvements étudiants et lycéens importants) et dont la répression avait été savamment préparée par les militaires, quelques infiltrés du gouvernement et de la CIA en milieu étudiant et par des troupes de chocs reconnaissables à une sorte de gant blanc. Des feux de bengale verts tirés d’un hélicoptère ont donné le signe de la fusillade. Le but étant de neutraliser toute velléité de Communisme et de réduire à zéro le rêve d’améliorer la condition des plus pauvres dans un pays de 7% de croissance qui s’apprêtait à recevoir – évènement inédit en Amérique Latine- les Jeux Olympiques.

La configuration de la place était telle que la souricière a effroyablement fonctionné et que les victimes des tirs avaient peu d’espace pour s’échapper.

Les hôpitaux débordés, des blessés léger dénudés et embarqués de force dans les prisons ou les casernes et dispersés ensuite aux quatre coins du pays. Des morts qui n’ont pas été rendus à leur familles ce qui rend le nombre exact impossible.

Un gouvernement totalement soumis aux USA et qui non seulement a minimisé le sort des victimes mais s’est ensuite glorifié d’avoir fait son devoir face à une poignée d’agitateurs qui se seraient tiré dessus eux-mêmes ! Jusqu’à sa fin le président de l’époque Diaz Ordaz affichera un mépris haineux voisinant des symptômes psychotiques, de ceux sur lesquels il a donné ordre de tirer. Quant au Premier Ministre de l’Epoque Etchevarria pour prix de son forfait il deviendra président de la République à son tour.

Le lendemain 3 Octobre la place parsemée de chaussures et de corps était nettoyée, le sang lavé et des tanks « sécurisaient le quartier ». C’est là que se rendit Elena Poniatowska alors journaliste à La Novedad. Immédiatement elle interviewe des passants, des habitants, des témoins, des ouvriers, des parents. Puis elle poursuit son travail dans les prisons où sont enfermés les étudiants interpellés et où elle n’aura pas le droit de prendre note ni d’enregistrer. Elle doit donc chaque soir écrire de mémoire ce qu’elle a entendu. Cette relation de l’oralité sera son charisme. Un travail énorme mais à la mesure de cette petite femme exceptionnelle toujours du côté de ceux dont les droits sont bafoués. Le livre ne sortira donc qu'en 1971.

Aujourd’hui à 83 ans Elenita comme l’appelle affectueusement les mexicains se trouvait jeudi 23 octobre à la PGR accompagnant Alejandro Solalinde, prix Human Right Wash 2012 pour son action auprès des migrants, dans sa démarche pour dénoncer le massacre de 43 normaliens ruraux le 26 septembre dernier par la police d’Iguala dans l’état de Guerrero et faire part de témoignages fiables que certains ont été brûlés vifs. On peut dire que la présence de ce témoin majeur de la vie Mexicaine, (elle a aussi écrit après le séisme de 85 la solidarité des gens ordinaires et la paresse de certains agents publics) à un moment aussi grave de la vie du pays que ce massacre d’Ayotzinapa, est important . Elle a aussi signé cette semaine avec 5000 intellectuels une lettre ouverte à Peña Nieto sur cette disparition depuis un mois des étudiants qui se destinaient à enseigner dans les écoles les plus reculées du Mexique et à y apporter savoir et conscience. Et qui étaient venus en ville collecter des fonds pour commémorer le 2 Octobre.

Les deux évènements semblent se toucher. Le même PRI au pouvoir, les mêmes collusions entre des délinquants et la police, les mêmes lettres adressées ensuite par des intellectuels (Sartre en 68) Chomsky aujourd’hui. Les mêmes infiltrés causant des débordements qui permettent d’accuser les manifestants, le même rappel à l’ordre du Président, le même mépris de l’homme, la même tentative de noyer les faits dans l’oubli et de laisser passer le plus de temps possible afin qu’on ne retrouve pas les victimes. Aujourd’hui s’ajoute sous la pression internationale des démissions en masse de gouverneurs et des mandats d’arrêt contre un maire et un chef de la police alors qu’à l’époque les responsables ont été gratifiés de places de gouverneurs et autres nominations lucratives.

Le Mexique serait-il dans un éternel recommencement ?

En tout cas il est aussi un pays où existent des personnes voulant vivre en paix, des gens courageux, des groupes en lutte pour un changement, des intelligences, des journalistes soucieux de véritable information (quoique menacés), des jeunes qui ne veulent pas de l’injustice, des vieux qui n’ont pas oublié Tlatelolco.

 

La présentation du livre d’E Poniatowska, traduit conjointement par Marion Gary et Joani Hocquenghem, sous la coordination d’Ana Tonati et avec le graphisme de Suzanne Cardinale  était suivi de la projection du documentaire Tlatelolco les clés du massacre dressant un portrait aussi précis que possible des responsabilités.

Après cette sortie à la Librairie Lyonnaise Terre des Livres connue pour accueillir des sujets de conscience politique, l’assistance ne saurait rester insensible. On peut d’autant plus souligner cette rencontre que le livre a été jusque là traduit abondamment dans le monde entier et qu'il nous manquait.La traduction a été réalisée grace au fonds PROTRAD dépendant d'institutions mexicaines. Les Editions CMDE fondés sur un échange de compétence dans ce milieu professionnel a d'abord ouvert à la littérature mexicaine, puis latino, avec un très fort accent mis sur la création ou transcription d'oralité. elle publie aussi une BD à partir d'un ouvrage de Cortazar.

Espérons  voir ce livre jusqu’à ce jour donc inédit en France sur les rayons de la Gandhi au DF et dans les meilleures librairies de la République Fédérale et le travail de cette équipe éditoriale de CMDE salué au Mexique par le corps diplomatique français, pour son excellence.

 

editionscmde.org

CMDE Collectif des métiers de l'édition

48 rue de Bayard

31000 Toulouse

 

Collection A l'ombre du Maguey

 

Librairie Terre des Livres

86 rue de Marseille Lyon 7

www.terredeslivres;fr

La nuit de Tlatelolco, d'Elena Poniatowska publié en français pour la première fois
La nuit de Tlatelolco, d'Elena Poniatowska publié en français pour la première fois
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