Au nord de Mexico sont disséminés de nombreux natifs mexicains, qui se revendiquent comme indigènes du peuple Otomi.
Peuple premier, un des plus anciens sur ce sol.
Certains Otomis ont été employés par les Aztèques pour lutter contre les espagnols. En 1992 ils ont créé le Conseil National Otomi. Sont protégés par l'Unesco et un de leurs représentants, charismatique, le Chaman Dabadi Thaayrohyadi a créé l'Université Indigène et la Cérémonie des 8000 tambours pour la guérison de la terre mère pour la Vie et la Paix. Qui a lieu au centre Otomi près de Toluca et un peu partout dans le monde, aux solstices et équinoxes. Infatiguable il parcourt le monde pour porter son précieux message.
On peut en savoir plus sur www.redindigena.net.com et sur www.universiteindigene.org
Ce jour-là je me rends au marché du samedi et vois sur le trottoir une famille qui vend des sculptures en bois. Parmi elles au mur un visage de christ noir, comme il y en a un à l'église de Valle. Après la vierge noire des gitans, le Christ noir des Otomis ça me semble normal. Sans mes lunettes je crois le visage un bas relief, en bois et demande qu'on me le garde, je le prendrais après avoir acheté les légumes et les simples. Je fais l'éloge du jeune garçon que son père me présente comme le sculpteur et moi, selon mon habitude, de donner des contacts avec d'autres sculptuers mexicains.Le papa dans sa chemise bleu ciel impeccablement repassée note. Le garçon baisse la tête. Je leur demande de quelle communauté ils sont. Ils me disent être Otomis.
Le christ a été emballé et je le range avec l'arnica et le thé del Monte.
Mais quand je le sors précaucioneusement, je m'apercois que c'est un simple moulage en plâtre, bien standard, juste peint en noir avec une couronne d'épine dorée. Réactualisé. Je suis furieuse bien sûr de m'être trompée à ce point et comprends le malaise du garçon.
En même temps j'admire qu'on fasse feu de tout bois pour survivre quotidiennement et cette vente en vaut bien une autre. Et ce visage doux de Christ noir sera une statuette de plus près du Cheval de Joseph et du masque Bamoun. Forts d'une histoire.
Un autre jour j'achète une large tunique légère aux indigènes qui entourent le zocalo près de l'église en contrebas des marches. "Là plutôt qu'ailleurs, m'a t'on conseillé, eux ils ont vraiment besoin de vendre!
Surprise en lavant la blouse, sur le coté une étiquette made in India...
Désormais je regarde les étiquettes.Tâte les objets.
En méditant sur la notion d'authenticité, de pureté des origines, de Montaigne à Rousseau jusqu'aux chantres du commerce équitable si souvent néo colonialiste. L'équité au fond n'est-elle pas que nous soyons tous sans exception suceptibles de suivre nos intérêts quotidiens vitaux avant l'idéal? Qui comme chacun sait est souvent comme une couche de peinture noire sur un moulage de plâtre.
Je me rends compte aussi à quel point, même en se prétendant malin, on trimbale dans sa valise de voyage, tous ses lieux communs. Heureusement la rencontre de l'Autre dépouille puis revêt. Mieux. Mais tout est toujours à refaire. Parce que les idées reçues c'est pire que chiendent.
Cet autre jour toujours en allant au marché, je suis deux femmes vêtues de leurs propres créations. Tabliers volantés, robes en véritable point de tapisserie, avec bordure au crochet. Je marche derrière elle fascinée par l'excellence de l'ouvrage. Et les couleurs. Qui partout comptent tant pour moi. Et comme elles prennent un escalier, d'intuition je les suis. En haut une jeune femme en jeans vide son grenier. Les deux dames farfouillent comme moi. Je trouve une poupée Otomi comme celle que ma belle fille a acheté à San Miguel de Allende, à une magnifique petite dame assise dans l'ombre d'un porche, son rebozo jaune autour d'elle. Pour un peso, je repars avec la poupée traditionnelle, qui tient un bébé dynamique à bonnet plissé. Je trouve aussi une tenue de cosmonaute argenté pour mon petit fils. Et quelques autres petites choses.
Je ne regrette pas d'avoir chiné.
Mais pour les commodités de longues marches, préférer les baskets!